Impacts phsychologiques

IMPACTS PSYCHOLOGIQUES

AVERTISSEMENT

Si vous vous sentez déjà fragile psychologiquement, il est possible que ce texte vous nuise davantage qu’il vous aide. La consultation de ce texte est surtout recommandée aux gens capables de prendre du recul par rapport à ce qu’ils vivent. Le texte décrit bien la situation mais n’offre pas vraiment de solutions. Vous pourrez trouver des solutions dans d’autres sections du site. À vous donc de juger si vous devez le lire ou non.

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Malheureusement, le syndrome Klippel-Feil étant rare et ayant fait l’objet de relativement peu de publication, autant en anglais qu’en français, la littérature spécialisée parle très peu -si elle en parle- des aspects psychosociologiques du syndrome. Dans tout ce que l’auteur de ce site a pu lire, on ne parle que de santé physique.

D’un point de vue médical, rien ne semble associer des troubles psychologiques au syndrome, ce qui est une bonne nouvelle. Tout au plus, et seulement dans de très rares cas, il pourrait y avoir des impacts sur le développement intellectuel, mais rien de psychologique (du moins, dont on parle), pas plus sur les troubles de la personnalité que les maladies mentales plus sévères. Tant mieux!

Toutefois, comme toute situation de vie, le syndrome peut avoir des impacts psychologiques sur ce que vivent les personnes atteintes et même leur entourage. La description que nous en faisons ici relève de notre expérience personnelle de même que des centaines de témoignages que nous avons reçus de personnes atteintes et de leur famille.

D’abord, beaucoup de gens semblent relativement bien s’adapter à leur syndrome. Beaucoup de gens aussi, à un moment où l’autre de leur vie, peuvent éprouver des difficultés d’adaptation, et parfois de dépression. Tout dépend de l’ampleur des symptômes physiques et de la résistance ainsi que de la capacité d’adaptation de la personne.

L’une des difficultés les plus remarquées chez les personnes atteintes concerne le fait que le syndrome est rare, peu connu, souvent long à diagnostiquer. Ainsi, plusieurs personnes se sentent réellement seules (dans le sens d’incomprises), et ce même si elles vivent bien le syndrome, parce qu’elles ont souvent eu l’impression que personne d’autre autour d’elles avaient ce même syndrome (ce qui n’est pas faux quand on exclut l’internet).

Il existe des groupes d’entraide, de soutien et plein de services médicaux et psychologiques pour plusieurs maladies (cancer, fibromyalgie, illéite et colite, dystrophie musculaire, insuffisance pulmonaire, maladies cardiaques, sclérose en plaques, etc.) mais rien pour Klippel-Feil. Avant l’apparition de l’internet, il était rare que quelqu’un puisse connaître une autre personne atteinte. Ce sentiment d’être un cas unique forge une certaine image de soi, même lorsque les symptômes que vit la personne ne sont pas trop contraignants. Et même quand on a la chance de connaître quelqu’un d’autre qui est atteint, les symptômes peuvent varier énormément d’une personne à l’autre. Parfois, les gens se savent compris mais ne se sentent pas compris.

Dans le même ordre d’idées, les personnes atteintes ont été souvent considérées comme un cas unique, une « bibitte rare » voire souvent quelque chose d’inconnu par les médecins. Les patients ont assez souvent consulté un médecin généraliste, un pédiatre, un orthopédiste, un neurologue, un généticien, un ORL, parfois aussi endocrinologue, cardiologue, urologue et d’autres selon les symptômes. Le point commun, c’est qu’à peu près tous ces spécialistes vont avoir fait sentir à la personne qu’ils n’ont pas vu, ou très rarement, une personne vivant la même situation. Encore une fois, cela crée une certaine influence sur l’image de soi.

Les patients ont assez souvent été « objet d’apprentissage » dans les hôpitaux universitaires. Alors quand un patient se fait rencontrer simultanément par un médecin et ses 10 internes (qui parlent entre eux dans un langage souvent incompréhensible pour le patient), ça ajoute au sentiment d’être une « bibitte rare ».

Toujours dans la même lignée, puisque les médecins connaissent peu le syndrome, les personnes atteintes doivent souvent avoir cherché elles-mêmes l’information nécessaire avant même de rencontrer le médecin, ce qui est un peu paradoxal. Une certaine frustration envers les médecins et le système hospitalier est aussi souvent rencontrée chez les personnes atteintes, étant donné qu’encore beaucoup trop de médecins n’ont pas appris à bien communiquer, c’est à dire à écouter attentivement et bien comprendre toute la situation d’un patient, et à lui expliquer dans un langage simple sa situation. Et quand le médecin est assez compétent là-dessus, souvent les conditions de travail ne lui laissent pas beaucoup de temps pour bien faire ce travail. Nous recevons donc une grande quantité de courriels dans lesquels les patients disent ne pas avoir bénéficié de l’écoute nécessaire et d’une analyse globale. C’est encore pire quand nous recensons le nombre de personnes qui se sont fait à peu près uniquement dire, après des années de recherces, qu’ils ont le syndrome Klippel-Feil. Souvent, c’est la seule info qu’ils ont, ou on leur a donné plus de détails dans un langage qui leur était inaccessible. Ce sentiment d’incompréhension est fréquent et il s’ajoute au fait que souvent les patients ont répété leur histoire à chaque fois à un nouveau médecin.

Mais on ne peut pas en vouloir aux médecins, ils font ce qu’ils peuvent avec le peu de connaissances qu’ils ont de ce syndrome, avec le peu de traitements qui existent et dans un contexte hospitalier souvent difficile. Reste que le patient, lui, ressent des émotions pendant ce temps-là.

Encore dans le même contexte, la surspécialisation des médecins complique parfois les choses pour la personne atteinte, qui a souvent l’impression que jamais personne, dans le milieu de la santé, ne la voit comme un tout. Ainsi, il n’est pas rare de voir les personnes atteintes avoir l’impression que les spécialistes ne s’occupent pas d’elles mais d’une partie du corps, ou encore se contredisent entre eux. Plusieurs, dont l’auteur de ce site, se sont fait dire par un neurologue de ne pas trop bouger le cou pour éviter des problèmes neurologiques, et par un orthopédiste, de continuer à bouger beaucoup pour éviter l’atrophie des muscles. Et les 2 ont raison!!!! Ou encore, un neulogue dit qu’il faut opérer d’urgence et un autre dit que ce serait beaucoup trop risqué d’opérer. Pour un patient qui doit se débrouiller seul dans ce contexte, ça peut être assez difficile.

D’autre part, certaines personnes apprennent dès la naissance qu’elles sont atteintes du syndrome, tandis que beaucoup d’autres l’apprennent entre 18 et 30 ans environ. Chez ceux qui l’apprennent entre 18 et 30 ans, c’est souvent parce qu’avant ils avaient peu ou pas de symptômes ayant un impact sur leur vie. On peut donc comprendre que quand ces symptômes commencent, il y a une adaptation physique, psychologique et sociale qui doit se mettre en branle. C’est aussi parfois un changement d’image de soi, quand on considère par exemple une personne qui était pleinement fonctionnelle, et qui le devient de moins en moins. C’est dans ce cas-là que la personne dit: « j’aimerais être comme avant! ».

Parfois, le syndrome est évolutif, parfois il est stable. Quand il est évolutif, les personnes vivent souvent dans la peur de l’avenir, à moins d’avoir appris à profiter pleinement du moment présent, et même là on peut difficilement faire abstraction totalement du fait que le syndrome peut éventuellement mener à la quadraplégie. Il y a aussi les inquiétudes par rapport au travail: « J’ai les capacités physiques pour faire quel travail? », « Si un jour je ne peux plus travailler, comment vais-je gagner ma vie? ».

Parfois on peut aussi s’inquiéter d’avoir besoin de chirurgies, qui sont passablement difficiles. On ajoute à cela le fait que souvent les personnes ne peuvent pas prendre une assurance vie ou une assurance invalidité personnelle. Rien pour calmer les inquiétudes, ça.

Et quand on a réussi à s’adapter au syndrome, il faut parfois se réadapter quelques années plus tard étant donné que de nouveaux symptômes se présentent. Il faut donc réaménager sa vie pour que dans les autres secteurs (travail, amour, vie familiale, vie sociale, loisirs) on puisse minimiser les situations d’adaptation et de frustration. Parce que s’adapter continuellement, ça exige de l’énergie physique et mentale.

Pour les enfants qui ont connu le syndrome en bas âge, tout dépend des symptômes et de l’attitude des parents et amis. Dans certains de ces cas, le syndrome affecte passablement l’apparence physique (ex.: cou court, absence de cou, tête un peu déformée, manque de doigts, etc.). D’après les témoignages, les filles, durant l’enfance et l’adolescence, semblent particulièrement affectées par l’apparence de leur corps vs la perception des autres. Aux environs de 15-20 ans, plusieurs filles dont l’apparence est affectée (et pas nécessairement laides pour autant) s’inquiètent: Pourquoi ont-elles moins d’amies que les autres? Pourquoi n’attirent-elles pas les garçons? Vont- elles attirer les garçons? Et si elles ont un copain, pourquoi ils les aiment quand même? Même chez les plus vieilles, il y en a qui disent se sentir mal à l’aise quand leur conjoint les embrasse dans le cou. Évidemment, ce genre de questionnement est présent aussi parfois chez les garçons et est aussi parfois présent chez les filles non atteintes du syndrome. Mais pour une personne atteinte du syndrome, c’est un questionnement dont les réponses peuvent leur paraitre plus inquiétantes.

Chez les enfants dont le syndrome parait, il semble assez fréquent que les enfants aient été l’objet de curiosité, de mépris ou de moqueries de la part des autres enfants. Ça aussi, ça affecte assez tôt leur personnalité.

Le contexte familial pourra aussi influencer dépendamment si les parents développent beaucoup l’autonomie de l’enfant, respectent ses limites, le considèrent « normal » ou handicapé, le surprotègent, etc. Leur attitude par rapport aux sports ou aux loisirs plus « dangereux » pourra aussi marquer l’enfant. La façon d’interdire à l’enfant une activité risquée qu’il adore aura un certain impact sur l’enfant.

Nous avons une perception, mais elle est loin d’être scientifique. Nous avons remarqué, auprès des membres de notre regroupement, une certaine tendance qui nous apparait logique: les difficultés psychologiques des personnes dont l’apparence est affectée portent davantage sur la perception qu’elles ont d’elles mêmes et sur les relations avec les autres, tandis que ceux dont l’apparence n’est pas affectée mais qui ont des symptômes difficiles éprouvent davantage des difficultés liées à l’adaptation aux symptômes physiques. Quoique les symptômes physiques peuvent apporter parfois des inquiétudes liées à la vie de couple: « comment mon conjoint, ma conjointe supportera-t-elle mes symptômes, mes impatiences si j’ai mal, les activités que je ne peux pas faire? »

Dans la majorité des cas, la personne est atteinte de problèmes musculaires plus ou moins importants. Cette tension musculaire et l’instabilité de la nuque peuvent parfois (ou tout le temps, dépendant des individus) causer des douleurs très difficiles à supporter. Dans ce contexte, les problèmes psychologiques vécus sont les mêmes que ceux liés à la douleur chronique. Il est important de savoir que dans le cas de Klippel-Feil, la cause des douleurs est réellement physique, mais ça amène presque toujours des impacts psychologiques, surtout si la douleur est sévère, constante ou les deux. Plusieurs personnes qui ont des symptômes plus graves que la douleur trouvent que vivre avec une douleur permanente est ce qui est physiquement le plus difficile à vivre pour elles, parce que ça affecte beaucoup de choses, dont l’énergie et le moral les jours de douleurs les plus intenses.

La tension musculaire, même sans douleur, contribue assez rapidement à un épuisement physique et psychologique. Il faut apprendre à se connaître pour la soulager le plus souvent possible. La tension musculaire gruge aussi beaucoup d’énergie. La personne doit donc apprendre à bien gérer et contrôler son énergie. Une irritabilité et une diminution de la patience peut souvent être observée lorsqu’il y a douleur ou tension musculaire.

L’inquiétude par rapport à la transmission génétique du syndrome est assez fréquente aussi. Comme la situation est peu documentée, et que les recherches actuelles montrent autant des cas où le syndrome est transmissible que des cas où il ne l’est pas, les jeunes adultes doivent s’interroger et prendre une décision en fonction de leur état physique et de leurs origines génétiques. C’est, dans certains cas, davantage une absence de choix qu’une réelle décision. Ici, les impacts psychologiques sont donc ceux du deuil, de la frustration, ou d’une décision dont on ne maîtrise pas les paramètres.

Une autre difficulté parfois rencontrée, c’est que les personnes atteintes ne savent pas si elles doivent ou non se considérer « handicapées ». Une étiquette qui peut être difficile à supporter pour certaines personnes. Ainsi, ceux qui fonctionnent bien ne se considèrent pas handicapés, et ça va bien pour eux. Mais pour les autres, cette simple question amène parfois des implications psychosociologiques. Parce que si on éprouve plusieurs difficultés, mais que nous-même, notre entourage et parfois la société nous poussent à nous considérer « normal », on se crée soi-même (ou les autres se créent envers nous) des exigences qui ne sont pas adaptées à nos capacités réelles. Mais si, au contraire, on se complait à se percevoir comme handicapé, on peut se créer un comportement de soumission et de dépendance assez rapidement. En outre, certains services gouvernementaux ne sont accessibles qu’aux personnes reconnues officiellement handicapées; cela ajoute à la réflexion de la personne.

L’auteur de ce site croit que même quand on est très fonctionnel, c’est beaucoup plus facile psychologiquement après qu’on ait admis qu’on a des limites physiques. On peut devenir moins exigeant envers soi-même, les autres peuvent être plus compréhensifs et les services de réadaptation ouvrent grandes leurs portes.

Enfin, lorsque les patients ont des symptômes physiques assez importants, on recommande au médecin traitant, au physiothérapeute ou au psychologue de les mettre en contact avec un ergothérapeute. Autant le processus de réadaptation physique (physiothérapie, kinésithérapie) que de réadaptation psychologique (psychologue) sont facilités par l’intégration à son mode de vie de changements pratiques dans la vie quotidienne (ce que facilite l’ergothérapie).

Même s’il y a beaucoup d’impacts psychologiques, la vie sourit plus facilement aux gens qui se concentrent sur les solutions plutôt que sur les problèmes.